» Le Songe de Poliphile par David Hamilton

Le Songe de Poliphile par David Hamilton

Le Songe de Poliphile par David Hamilton

« Pour retracer mes influences, il faut chercher parmi les peintres. Mon regard sur la peinture n’est ni celui d’un critique ni d’un historien. C’est un regard tout à fait personnel guidé par ce que je retrouve de commun avec mes préoccupations de photographe. » David Hamilton

Le Songe de Poliphile. Jamais livre n’a autant enflammé l’imagination et certainement les passions ! Tour à tour précurseur, source d’inspiration d’André Le Nôtre pour les jardins de Versailles, héros de roman (La Règle de 4 par Ian Caldwell et Dustin Thomason) ou encore sujet de film (court-métrage de Camille Henrot), cet ouvrage riche en références architecturales et mythologiques est réputé pour être un des plus beaux livres imprimés au monde.

Le Songe de Poliphile ou Hypnerotomachia Poliphili est un ouvrage fondateur des principes esthétiques et culturels de la Renaissance. Écrit en Italie en 1467, il est attribué au dominicain vénitien Francesco Colonna et a été diffusé en France par Jacques Kerver en 1546, bien qu’il fut édité à Venise en 1499 par Alde Manuce. Inépuisable source d’inspiration depuis des siècles (de François Rabelais à Jean de La Fontaine en passant par Gérard de Nerval et Salvador Dali), cette œuvre aurait été ramenée en France et présentée à François 1er par Léonard de Vinci en 1515.

Copyright David Hamilton

Écrit en cinq langues (italien, latin, grec, hébreu, arabe et même parsemé de hiéroglyphes), ce livre regorge de messages codés sous forme de gravures, de rébus, de symboles et de jeux de lettres en plusieurs langues qui en font un véritable jeu de pistes aux lectures multiples.

L’auteur de prime abord anonyme fut découvert grâce à l’une des nombreuses clefs cachées qu’il contient. En effet, en mettant à la suite, les lettrines des chapitres l’on obtient le message suivant : POLIAM FRATER FRANCISCUS COLUMNA PERAMAVIT (Le frère Francesco Colonna brûla d’amour pour Polia).

Ce livre nous raconte, à travers une poésie allégorique et volontairement codée, le rêve de Poliphile, jeune homme parti à la recherche de la femme qu’il aime, mais qui se refuse à lui : Polia. Commence alors un voyage initiatique qui le conduira sur l’île d’amour :  Cythère.

Épuisé par ses recherches, Poliphile s’endort au pied d’un arbre et se voit transporté en songe dans un monde antique au décor apocalyptique. Son périple lui fait découvrir des cités grecques, romaines, perses et égyptiennes, peuplées de monstres, de nymphes et de multiples dieux païens.

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Durant un long récit épique à la sensualité parfois torride, Poliphile subit de nombreuses épreuves. Les nymphes, très attentionnées envers lui, lui présentent alors « sa » Polia puis procèdent à une cérémonie nuptiale et emportent les amants sur l’île de Cythère où règne le dieu de l’amour  Cupidon. Lorsque Poliphile serre enfin dans ses bras Polia, elle s’évapore et il comprend que tout cela n’était qu’un rêve.

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Les métaphores érotiques du récit, se lisent comme un guide vers l’équilibre de l’amour matériel et immatériel. Elles révèlent la dualité constante chez l’Homme, du charnel et de l’extase des sens face au fantasme idéalisé d’un amour pur.

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Volontairement obscur, le Songe de Poliphile reste encore très énigmatique et continue d’intriguer philosophes, architectes, historiens ou encore psychanalystes tant il regorge de dessins et d’énigmes à interpréter. Et depuis quatre ans, il est au cœur des préoccupations des fondateurs de l’agence artistique spécialisée en communication visuelle et production artistique Taureau, Ali Mesbahi et Gil Levasseur.

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De cette passion est né un projet audacieux : retracer le chemin historique et artistique de cet ouvrage hors du commun à travers ces principaux thèmes. Sept artistes ont été invités à nous faire partager leur vision du Songe de Poliphile et ainsi mettre en relief l’héritage culturel et esthétique du livre, à travers des créations contemporaines dans des domaines aussi variés que la photographie, la sculpture, la gastronomie, la peinture, l’art des jardins, la musique et le cinéma.

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Premier artiste invité à collaborer, le photographe David Hamilton réinterprète à travers 13 clichés exclusifs cet ouvrage fondateur des principes esthétiques et culturels de la Renaissance et nous entraîne dans les méandres de l’esprit de Poliphile à la rencontre des fameuses nymphes nous transportant ainsi dans cet univers onirique dont il a le secret.

SEANCE DAVID HAMILTON par JP BALTEL © Jean-Philippe BALTEL Rueil Malmaison le 08/11/11

S’inspirant de la Renaissance, le maître du flou artistique a choisi une nature luxuriante évoquant un paradis perdu habité de déesses antiques pour renouer avec un de ses thèmes favoris : l’éclosion sensuelle de la jeune fille hors du temps dont nous vous dévoilons aujourd’hui les coulisses.

SEANCE DAVID HAMILTON par JP BALTEL © Jean-Philippe BALTEL Rueil Malmaison le 08/11/11

Dans le cadre intime de sa résidence de Ramatuelle, le photographe nous offre des images délicates de jeunes filles à la sensualité évanescente – effectuées exclusivement en lumière naturelle – son fameux flou habillant de pudeur ces jeunes filles aux cheveux ornés de fleurs et vêtues parfois de mousseline de soie.

SEANCE DAVID HAMILTON par JP BALTEL © Jean-Philippe BALTEL Rueil Malmaison le 08/11/11

Bien loin de l’esthétique érotique l’ayant rendu célèbre dans les années 70 et 80, le rendu des clichées de l’artiste semble presque irréel plus proche des tableaux impressionnistes que de la photographie d’art classique.

SEANCE DAVID HAMILTON par JP BALTEL © Jean-Philippe BALTEL Rueil Malmaison le 08/11/11

Les couleurs semblent soudain n’être plus que de simples petites touches de peinture sur la toile et accentuent la couleur diaphane des modèles, les renvoyant dans une époque hors du temps.

SEANCE DAVID HAMILTON par JP BALTEL © Jean-Philippe BALTEL Rueil Malmaison le 08/11/11

Sa technique de flou sied à merveille dans cette esthétique intemporelle matérialisant cette allégorie de l’amour pur et intemporel, cet âge de l’innocence appartenant à une époque aujourd’hui révolue.

SEANCE DAVID HAMILTON par JP BALTEL © Jean-Philippe BALTEL Rueil Malmaison le 08/11/11

Mais point de jeunes filles en fleur cette fois-ci, les femmes bien que jeunes n’en sont pas moins femmes pour autant. Et l’artiste a le don de les saisir dans l’expression même de leur sensualité.

SEANCE DAVID HAMILTON par JP BALTEL © Jean-Philippe BALTEL Rueil Malmaison le 08/11/11

Qui mieux que le maître du flou artistique à l’univers onirique puissant pour mettre en photographie un univers fantasmé ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit, transcender en image l’érotisme et l’univers onirique du combat d’amour en songe que fait Poliphile.

SEANCE DAVID HAMILTON par JP BALTEL © Jean-Philippe BALTEL Rueil Malmaison le 08/11/11

Le 27 Mars 2012, une exposition-vente de ces 13 clichés tirés à un exemplaire a eu lieu dans le cadre feutré et magique du Salon Tauber de l’Hôtel Raphaël. Vêtu de son panama blanc et dans un costume bleu à fines rayures, David Hamilton accompagné de ses nymphes nous a présenté ces 13 clichés uniques signés et numérotés, présentés sur des chevalets tels des toiles de grands maîtres.

SEANCE DAVID HAMILTON par JP BALTEL © Jean-Philippe BALTEL Rueil Malmaison le 08/11/11

Le rendu proche de la peinture prend tout son sens, accentué par les chevalets sous un éclairage lui donnant une patine naturelle, sublimé par le cadre boisé et délicieusement suranné du salon. En sus des photos, un sublime livre en Maroquin entièrement fait à la main, illustré de la série complète lithographiée et édité à seulement trois exemplaires nous a été également proposé.

Travaillé à la main par Godelieve Dupin De Saint-Cyr sur du cuir couleur Perle et flanqué d’un Nœud d’Amour en incrustation de cuir Bleu, le tout encadré de légers filés dorés, ce livre dont on peut suivre la création ici est signé France Durez.

SEANCE DAVID HAMILTON par JP BALTEL © Jean-Philippe BALTEL Rueil Malmaison le 08/11/11

A presque 80 ans, le gentleman David Hamilton nous prouve qu’il faut encore compter avec lui. La sublime série du Songe de Poliphile nous montre son goût pour les arts de la Renaissance et en particulier pour la peinture. Mais elle nous éclaire un peu plus sur l’univers de David Hamilton bien plus riche que de simples photographies érotiques. Poliphile est celui qui a de multiples objets d’amour et David Hamilton est Poliphile…

Crédit photo : ©  David Hamilton with the courtesy of  l’Agence Taureau.

Coulisses : © Jean-Philippe BALTEL

Marie-Odile Radom

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