» Chambres à Part V par Laurence Dreyfus

Chambres à Part V par Laurence Dreyfus

Chambres à Part V par Laurence Dreyfus

« Lors de ma rencontre avec Laurence Dreyfus cet été, j’ai compris que Artificial Rock n°96 aurait une place juste dans une exposition qui tente de présenter l’esthétique chinoise et son affinité culturelle à un public occidental. » Zhan Wang

La FIAC (Foire Internationale d’Art Contemporain) vient de se terminer et Paris retrouve sa quiétude avant de rendre hommage à la photographie. Pendant 5 jours, la Ville Lumière a vibré au rythme de l’art contemporain lui offrant la meilleure vitrine possible et des lieux d’exception. Ainsi, la grande Foire devenue incontournable a investit le Grand Palais, s’est mise au vert au Jardin des Plantes et a profité de la quiétude du Jardin des Tuileries.

Certains commissaires d’exposition n’hésitent pas à présenter leurs artistes dans des lieux atypiques et inédits comme Laurence Dreyfus qui occupe la Suite Impériale du Shangri-La Hôtel Paris. Pour la cinquième édition de Chambres à part, elle y expose une sélection d’œuvres d’artistes asiatiques – en majorité chinois – et occidentaux dans une réflexion sur l’abstraction et le figuratif si justement nommée Lines & Figures : Conversations.

Commissaire d’exposition indépendante, experte agréée auprès de la Chambre Européenne des experts-conseils en œuvres d’art et Art Advisor, Laurence Dreyfus investit chaque année un haut lieu de la capitale pour nous faire découvrir ses coups de cœur dans le cadre du Parcours événement de la FIAC. Chambres à part est ainsi l’occasion de nous présenter son travail de défrichage de la scène contemporaine.

© Martin ARGYROGLO

Avec plus de 600 visiteurs entre le 18 Octobre et le 23 Octobre 2011, cette cinquième édition a été un véritable succès. De grands collectionneurs d’art contemporain chinois mais également les conservateurs de très important musées ont répondu présent à l’appel.

Les invités ont pu ainsi découvrir la Suite Impériale, ancien appartement privé du Prince Roland Bonaparte inscrit aux Monuments Historiques depuis 2009, dans un contexte artistique plus contemporain,  et assister à une confrontation des époques et des styles des plus enthousiasmantes. Du salon à la chambre à coucher en passant par la salle de bains et le dressing, Laurence Dreyfus a pris littéralement possession des lieux pour y  installer ses œuvres avec harmonie.

Peintures, photographies, sculptures et vidéos abstraites et figuratives ont permis aux cultures de se rencontrer et de se confronter. Déambulant librement d’une pièce à l’autre, les invités privilégiés ont pu ainsi assister à un véritable dialogue entre l’Asie et l’Occident. Les œuvres, une sélection d’artistes confirmés et de talents très prometteurs, ont alors pris tout leur sens dans ce contexte intimiste et privé.

© Martin ARGYROGLO

Les photographies noir et blanc d’Yang Yongliang ont révélé toute leur beauté et leur force. Inspiré par l’art traditionnel chinois, l’artiste réalise un état des lieux troublant de l’urbanisation des mégapoles chinoises et nous pousse à nous interroger sur la double nature des choses.

Alliant l’esthétique de la peinture chinoise ancienne à la photographie numérique et à une imagerie innovante, il nous livre, tout en nuances de gris, un constat édifiant d’un monde fragile mis à mal par une modernité agressive entre Tour de Babel, champignons nucléaires et paysages fantomatiques.

Yang Yongliang Courtesy Ophoto Gallery, Shanghai

Derrière l’apparente quiétude de paysages embrumés rappelant les fameux Shanshui – paysages utilisant la figuration des montagnes et l’eau comme support de méditation – se dressent des paysages en chantier, des immeubles entassés par des velléités urbanistes avec un sens du détail frisant la perfection.

Zhang Huan Courtesy Zhang Huan, Beijing

La toile Artist of the People n°3 de Zhang Huan à base de cendres d’encens brûlés récoltées dans les temples est troublante. Selon l’angle de vue, le personnage est plus ou moins perceptible et semble suivre le spectateur du regard. Il est intéressant de voir comment à partir de déchets, l’artiste arrive à construire une œuvre.

Bouddhiste pratiquant, Zhang Huan attache une importance symbolique à la cendre d’encens : elle représente “les mémoires et les vœux collectifs des dévots” pour lesquels la combustion de l’encens constitue un rituel quotidien. De ces âmes innombrables, il crée des statues et des peintures, leur redonnant ainsi vie.

Sculpture Zhan Wang © Martin ARGYROGLO

L’impressionnante et très forte sculpture en acier inoxydable Artificial Rock n°96 de Zhan Wanga, quant à elle, trouvé preneur auprès d’une collection d’art contemporain basée en France et à Hong Kong. Pierre de Méditation ou sculpture philosophique, elle renvoie à l’image d’une météorite venue dépoussiérer le marché de l’art contemporain et symbolise un ancrage fondamental dans la cosmologie chinoise.

Courtesy Long March Space, Beijing

Placée devant la fenêtre, elle fait écho à Flying, l’une des deux toiles exposées de la jeune peintre chinoise Yu Hong. Sorte de métaphore du sentiment de fugacité et d’instabilité, les toiles de la star montante de la peinture chinoise représentent des personnages se détachant sur fond d’or.

Courtesy Magda Danysz Gallery, Paris et Shanghai

Les sculptures en bois plein de l’artiste chinois Wang Keping aux formes rondes et généreuses font furieusement opposition aux angles froids et métalliques de la sculpture de Zhan Wang. Ces troublantes créatures en bois de l’un des fondateurs du groupe artistique historique Le Groupe des Étoiles  ne sont pas sans rappeler les statues de l’île de Pâques, observant pour l’éternité l’horizon mais dans une version plus arrondie, plus féminine.

© Martin ARGYROGLO

L’artiste chinois Zao Wou Ki a fait le déplacement pour présenter sa toile à l’encre de Chine bleue Seychelles entre art abstrait et calligraphie. L’artiste retranscrit sur la toile une émotion, un état d’âme dont il ne cherche pas à pénétrer le sens. C’est donc à nous, spectateurs et amateurs de continuer à faire vivre son œuvre.

© Martin ARGYROGLO

Le diptyque du photographe chinois Liu Yue, mystérieux à souhait, rendait le salon quasi hypnotique. Son travail élégant nous transporte dans des paysages lointains et épurés dans lesquels il faut aller au delà de la première impression pour voir le sens caché des choses.

© Martin ARGYROGLO

Les céramiques de la vidéaste plasticienne Charlotte Cornaton ont également trouvé preneur dans une très grande collection en Belgique. Cette jeune artiste française aime multiplier les médias pour s’exprimer dans une approche de la culture chinoise ancienne et son anachronisme avec la société contemporaine.

Associant vidéo et des céramiques symbolisant de manière raffinée les degrés de méditation, le projet Mandalas est une sorte de philosophie de l’instant basée sur un triptyque qui fait usage de la structure du Mandala : Cosmos, Environnement et Vide.

Le premier, le Cosmos fait référence au souffle et aux cycles de l’univers. La céramique prend un aspect métallisé par endroits rappelant la poussière d’étoiles et possède de nombreuses incisions sous la forme de traits. La géométrie est en rapport avec le Yi Jing.

Le second renvoie à l’Environnement humain dans une quête d’un carpe diem à travers la quiétude des paysages. La céramique est en grès sérigraphié de montagnes molles et de rizières avec des orchidées sur une faïence ajourée en émail craquelé bleu ciel.

Le troisième, le Vide, est un dépouillement intérieur sur le principe des vanités occidentales modernes. La céramique représente des grottes en faïence émaillée jaune mordoré représentant la divinité couplée a une terre chamotée blanche à l’émaillé aubergine où se trouvent les démons.

© Martin ARGYROGLO

L’œuvre lumineuse de l’artiste danois Olafur Eliasson est un jeu perpétuel entre lignes et lumière modifiant ainsi notre perception de la lumière ambiante à travers le prisme d’une forme. Tel un kaléidoscope, l’objet va alors créer un univers différent nous montrant les limites entre la vison naturelle et la représentation.

© Martin ARGYROGLO

D’autres artistes nous ont été également présenté comme Monique Frydman et sa série les Révélés dont les lettres hébraïques renvoient à la calligraphie chinoise. Les tableaux en broderie de la jeune artiste coréenne So Young Choi se fondaient dans la décoration de style napoléonienne. Les deux tapisseries brodées au fil de soie de l’artiste indonésien Eko Nugroho ont également trouvé preneur, les personnages hybrides qui ont investi le dressing ont séduit et étonné. Son œuvre ancrée aussi bien dans les traditions locales que dans la culture populaire globale trouve aussi son inspiration dans l’art contemporain de la rue et du graffiti.

Une nouvelle fois, Laurence Dreyfus nous a permis de découvrir dans un lieu atypique des talents méconnus, prometteurs ou reconnus qu’elle a découvert au cours de ses recherches. Se focalisant sur l’Asie, elle nous montre par bien des points que l’art contemporain asiatique n’a rien à envier à celui plus médiatisé de l’art occidental. Au contraire, les deux sont en perpétuel dialogue et se rejoignent dans une communion bien réelle même si l’art asiatique semble découler des techniques traditionnelles. Mais une constante reste, le rapport à la nature et la place de l’être humain sont forts des deux côtés.

Shangri-La Hotel
10, avenue d’Iéna
75116 Paris

www.shangri-la.com

www.laurencedreyfus.com

Marie-Odile Radom

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