Les forêts mystérieuses d’Angelo Musco

“Many of my pieces are the consequence of my experience with birth.” Angelo Musco
Au mois d’avril dernier, la Galerie Acte2 nous présentait les photographies monumentales de l’artiste napolitain Angelo Musco à travers la sublime exposition Cortex System.
S’inscrivant dans la continuité de ses précédents travaux, l’exposition Cortex System se compose de différentes pièces (Phloem, Ovum, Eyrie et Vene) formant des paysages surréalistes qui dévoilent leurs secrets dans de subtils artifices.
Phloem offre à notre regard différents aspects visuels d’une forêt mystérieuse et assez sombre. En s’inspirant des cellules du tissu du système vasculaire transportant les nutriments dans l’organisme, Angelo Musco nous plonge dans les profondeurs de fascinantes forêts aux riches détails.
Une série de 2 fenêtres rondes attire l’attention du spectateur au plus profond de la forêt. Comme un gros plan sur le monde surréel de Phloem, Iride invite le spectateur à une investigation plus profonde et forcément plus intime de l’œuvre.
Vene explore les similarités visuelles des veines et des branches à travers une représentation plus littérale des branches d’arbres et du système vasculaire découvert dans Phloem. Vene offre une éclaircie, un espace de respiration qui contraste avec le monde des profondeurs, plus complexe, de l’œuvre précédente.
La série Ovum est une collection de quatre nids qui représente à la fois la déconstruction de la forêt, et la construction-création de la vie. Chaque oeuvre de la série Ovum offre une forme différente d’un même système d’entrelacement et d’interactions entre les vies humaines, et met l’accent sur la fertilité qui en émane. Le pouvoir de l’accumulation engendre ici pour l’artiste un dialogue entre le singulier et le groupe.
Eyrie est un nid imaginaire formé à partir de rondins de bois qui s’entrelacent autour d’un fort centre de gravitation. La force de cette structure est son aspect impénétrable, qui contraste avec le côté vulnérable des corps nus, sans défense dont il émane pourtant un sentiment de sécurité et d’hospitalité.
Ces incroyables clichés qui, à première vue, semblent être l’ultime vision de paysages sombres et mystérieux, deviennent soudainement limpides et lumineux. Au fur et à mesure qu’on s’approche, le paysage s’efface pour révéler des millions de corps nus s’enchevêtrant dans une remarquable dentelle humaine.
Ce projet monumental, véritable travail d’orfèvre, a nécessité la participation de centaines de volontaires immortalisés nus par l’artiste dans différentes positions sur fond bleu ou vert. Chacune des images est ensuite isolée et traitée avec un logiciel de retouche pour être ajoutée aux autres afin de créer de gigantesques compositions où chaque être est connecté à l’autre.
Certaines pièces mesurent plus de 12 mètres de long et jusqu’à 4 mètres de haut et ont demandé plus de deux ans de travail.
Véritable sas vers un univers à l’imaginaire puissant, chaque pièce devient l’expression du subconscient d’un artiste entier au sens du détail et de l’agrégation inégalé, qui reconnecte l’être humain à la nature en la revisitant dans un puissant symbolisme.
A travers ces paysages, Angelo Musco nous offre une vision architecturale naturelle et mystique qui pose la question de nos propres origines dans une forme nouvelle de langage. Né à presque 10 mois de grossesse, le photographe puise dans la difficulté de sa naissance et les univers souterrains l’inspiration de son travail.
Le corps humain est ainsi imbriqué et cumulé dans une gigantesque mosaïque dont l’étonnante symbolique renvoie au miracle de la vie, des œufs aux nids en passant par le liquide amniotique.
Cortex system canalise ces vies abyssales dans une structure architecturale époustouflante, Devenant les racines entrelacées venant nourrir le corps des arbres d’une forêt mystérieuse ou formant le plus douillet des nids, chaque être refait corps avec la nature et lui redonne vie.
Les forêts, combinant tension et mystère, obscurité et lumière, isolement et communauté, font clairement référence au Jardin des Délices, le tryptique du peintre Jérôme Bosch. La symbolique des arbres est utilisée depuis des siècles pour communiquer autour de la force, de la fertilité, de la sécurité mais également de l’interconnexion entre les hommes et la nature.
Dans le fascinant travail d’Angelo Musco, chaque corps est connecté à un autre dans une bouleversante force émotionnelle. Dans un monde où être connecté les uns aux autres semble être de mise, le photographe trouve un puissant écho à sa vision de la nature. Dans une allégorie des réseaux sociaux, cet enchevêtrement rappelle les corps absorbés dans les tourbillons de l’enfer de Dante.
Galerie Acte2
41 rue d’Artois 75008 Paris
Marie-Odile Radom
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